Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude ".
2. Il ressort des pièces de dossier que Mme A..., ressortissante libanaise, a déposé une demande de naturalisation le 13 janvier 2015, dans laquelle elle a indiqué être célibataire et s'est engagée sur l'honneur à signaler tout changement dans sa situation personnelle et familiale. Au vu de ses déclarations, elle a été naturalisée par décret du 7 décembre 2015. Toutefois, par bordereau reçu le 28 avril 2016, le ministre des affaires étrangères et du développement international a informé le ministre chargé des naturalisations que Mme A... avait épousé à Deir El Kamar, au Liban, le 30 mai 2015, un ressortissant libanais résidant au Liban. Par décret du 24 avril 2018, publié au Journal officiel le 26 avril 2018, le ministre de l'intérieur a rapporté le décret du 7 décembre 2015 prononçant la naturalisation de Mme A... au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressée quant à sa situation familiale. Mme A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.
3. En premier lieu, aux termes de l'article 21-6 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition se trouve remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la situation familiale en France de l'intéressé à la date du décret lui accordant la nationalité française. Par suite, ainsi que l'énonce le décret attaqué, la circonstance que l'intéressée a dissimulé s'être mariée au Liban avec un ressortissant libanais au cours de l'instruction de sa demande de naturalisation, était de nature à modifier l'appréciation qui a été portée par l'autorité administrative sur la fixation du centre de ses intérêts.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est mariée le 30 mai 2015 avec un ressortissant libanais résidant habituellement au Liban. Ce mariage a constitué un changement de sa situation familiale qu'elle aurait dû porter à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, comme elle s'y était engagée en déposant sa demande de naturalisation, ce qu'elle n'a pas fait avant que lui soit accordée la nationalité française. Si Mme A... soutient qu'elle était de bonne foi, elle ne fait état d'aucune circonstance qui l'aurait mise dans l'impossibilité de faire part de son changement de situation familiale au service en charge de l'instruction de son dossier avant l'intervention du décret lui accordant la nationalité française. En outre, Mme A... n'apporte aucun élément au soutien de l'allégation selon laquelle elle aurait informé par voie téléphonique de son mariage le service chargé des naturalisations. L'intéressée qui maîtrise la langue française, ne pouvait se méprendre ni sur la teneur des indications devant être portées à la connaissance de l'administration chargée d'instruire sa demande, ni sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'elle a signée. Dans ces conditions, Mme A... doit être regardée comme ayant volontairement dissimulé le changement de sa situation familiale. Par suite, en rapportant sa naturalisation, dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, le ministre de l'intérieur, n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 27-2 du code civil.
5. En troisième lieu, la définition des conditions d'acquisition et de perte de la nationalité relève de la compétence de chaque Etat membre de l'Union européenne. Toutefois, dans la mesure où la perte de la nationalité d'un Etat membre a pour conséquence la perte du statut de citoyen de l'Union, la perte de la nationalité d'un Etat membre doit, pour être conforme au droit de l'Union, répondre à des motifs d'intérêt général et être proportionnée à la gravité des faits qui la fondent, au délai écoulé depuis l'acquisition de la nationalité et à la possibilité pour l'intéressé de recouvrer une autre nationalité. Ainsi, l'article 27-2 du code civil permet de rapporter, dans un délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, un décret qui a conféré la nationalité française au motif que l'intéressé a obtenu la nationalité française par mensonge ou fraude. Ces dispositions, qui ne sont pas incompatibles avec les exigences résultant du droit de l'Union, permettaient en l'espèce, eu égard au délai écoulé entre le décret de naturalisation et son retrait, de rapporter légalement le décret attaqué.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 24 avril 2018 par lequel le premier ministre a rapporté le décret du 7 décembre 2015 qui lui avait accordé la nationalité française. Ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être en conséquence rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.