Résumé de la décision
La décision concerne la conformité à la Constitution de l'article 54 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, qui permet de manière expérimentale aux auteurs ou bénéficiaires de certaines décisions administratives de saisir un tribunal administratif pour apprécier la légalité externe de ces décisions. La juridiction administrative, par l'analyse de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'union syndicale des magistrats administratifs et le syndicat de la juridiction administrative, a jugé que le moyen invoqué présente un caractère sérieux. Par conséquent, elle a décidé de renvoyer la question au Conseil constitutionnel tout en sursis à statuer sur la requête jusqu'à la réponse de ce dernier.
Arguments pertinents
Les arguments clés de la décision reposent sur le respect des droits et libertés garantis par la Constitution, notamment sur le principe de séparation des pouvoirs et le droit à un recours juridictionnel effectif. Dans leur constatation, les juridictions administratives ont mis en avant que :
1. Applicabilité de la disposition contestée : "L'article 54 de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance est applicable au présent litige et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel."
2. Caractère sérieux de la question soulevée : La disposition permet potentiellement une atteinte à "l'équilibre des droits des parties, garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789."
Ainsi, il y a lieu de soulever une question prioritaire de constitutionnalité qui mérite d'être examinée par le Conseil constitutionnel.
Interprétations et citations légales
La décision s'appuie sur plusieurs textes de loi fondamentaux, dont suivants :
1. Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 - Article 23-5 : Cet article précise les conditions précises de saisine du Conseil constitutionnel et encadre la procédure de question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Il stipule notamment que : "Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat."
2. Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 - Article 54 : Ce dernier précise que les décisions administratives peuvent faire l'objet d'une contestation en ce qui concerne leur légalité, ce qui, selon la décision, pourrait conduire à une atteinte aux droits garantis par la Constitution, notamment à travers le principe de séparation des pouvoirs.
3. Déclaration des droits de l'homme et du citoyen - Article 16 : Ce texte établit le droit à un recours juridictionnel effectif, stipulant que "toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a pas de Constitution."
Ces différents textes soulignent l'enjeu juridique majeur de la décision : la prise en compte équilibrée des droits des individus et le respect des principes constitutionnels au sein des procédures administratives. La décision met ainsi en lumière les tensions entre innovation juridique et respect des droits fondamentaux.