Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Ailes marines et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Gardez les caps et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 18 avril 2012, le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ont autorisé la société Ailes marines, sur le fondement de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, à exploiter un parc éolien d'une capacité de production de 500 MW, situé sur le domaine public maritime au large de la commune de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor). Une convention de concession d'occupation du domaine public maritime a, le 18 avril 2017, été conclue entre l'Etat et la société Ailes marines, et a été approuvée par arrêté du même jour du préfet des Côtes-d'Armor. Par un arrêt du 3 avril 2018 rendu en premier et dernier ressort, contre lequel la société Ailes marines se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé l'arrêté du 18 avril 2017 du préfet des Côtes-d'Armor approuvant la convention de concession d'occupation du domaine public maritime.
Sur les moyens tirés de l'irrégularité de l'arrêt attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a implicitement mais nécessairement écarté le moyen soulevé par la société Ailes marines dans son second mémoire en défense et tiré de la méconnaissance de l'exigence, à peine d'irrégularité, de deux requêtes distinctes lorsque le juge est saisi de conclusions relevant, d'une part, de l'excès de pouvoir, d'autre part, du plein contentieux. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir qu'en se bornant à relever, dans l'analyse de son second mémoire, qu'il ne contenait pas d'éléments nouveaux, la cour aurait, sur ce point, entaché son arrêt d'irrégularité, de dénaturation et d'une insuffisance de motivation.
3. En second lieu, il ressort des pièces de la procédure devant la cour que la requête des associations requérantes était motivée et comportait des moyens assortis de faits susceptibles de venir à leur soutien et de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué serait insuffisamment motivé, faute de répondre à la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête initiale des associations n'avait pas été motivée dans le délai du recours contentieux, qui est inopérant, ne peut qu'être écarté.
Sur les moyens tirés de l'irrecevabilité de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral :
4. En premier lieu, un requérant peut, par une même requête, saisir le juge de conclusions d'excès de pouvoir et de conclusions de plein contentieux, dès lors que ce juge a compétence pour statuer sur les unes et les autres. Par suite, la société Ailes marines n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant recevables les conclusions des associations aux fins d'annulation de l'arrêté préfectoral approuvant la convention de concession d'utilisation du domaine public maritime présentées dans la même requête que les conclusions en annulation de la convention de concession d'utilisation du domaine public maritime.
5. En second lieu, indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, ceux d'entre eux qui se prévalent d'intérêts auxquels l'exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine sont recevables à contester devant le juge de l'excès de pouvoir la légalité de l'acte administratif portant approbation du contrat. Ils ne peuvent toutefois soulever, dans le cadre d'un tel recours, que des moyens tirés de vices propres à l'acte d'approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même.
6. La cour qui a relevé, d'une part, que les associations, hormis l'Union de Penthièvre et de l'Emeraude pour l'environnement, avaient pour but soit la protection de l'environnement maritime, soit la prévention des dommages écologiques, technologiques et sanitaires liés notamment au déploiement des énergies renouvelables, d'autre part, qu'elles soulevaient, à l'encontre de l'arrêté préfectoral approuvant la convention de concession d'utilisation du domaine public maritime, un moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'avis conforme requis par l'article R. 2124-56 du code général de la propriété des personnes publiques, a, par une motivation suffisante et sans commettre d'erreur de droit ou d'erreur de qualification juridique, jugé qu'elles étaient recevables à agir à l'encontre de cet arrêté préfectoral.
Sur l'arrêté préfectoral approuvant la convention de concession d'utilisation du domaine public maritime :
7. D'une part, aux termes de l'article R. 2124-56 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les avis conformes du préfet maritime ou du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer et de l'autorité militaire compétente doivent être demandés pour les autorisations relatives à la formation d'établissement de quelque nature que ce soit sur la mer ou sur ses rivages. (...) ".
8. D'autre part, les décisions portant délégation de signature, qui présentent le caractère d'actes réglementaires, ne sont pas opposables aux tiers avant leur publication. Par suite, tant que la délégation n'a pas été régulièrement publiée, le délégataire ne peut légalement signer une décision au nom de l'autorité qui lui a délégué sa signature.
9. La cour qui, par une appréciation exempte de dénaturation et sans commettre d'erreur de qualification juridique, a retenu que la publication de la délégation de signature consentie au signataire de l'avis conforme requis par l'article L. 2124-56 du code général de la propriété des personnes publiques dans un registre qui n'était accessible que sur demande à la préfecture maritime, n'était pas suffisante pour la rendre opposable aux tiers, en a exactement déduit que cet avis était entaché d'incompétence. C'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, et sans commettre d'erreur de droit, qu'elle a jugé que cette irrégularité avait été, en l'espèce, de nature à exercer une influence sur le sens de la décision.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ailes marines n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Gardez les caps et autres, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la société Ailes marines au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Ailes marines la somme de 3 000 euros qui sera versée à l'association Gardez les caps et autres, au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Ailes marines est rejeté.
Article 2 : La société Ailes marines versera la somme de 3 000 euros à l'association Gardez les caps et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Ailes marines, à l'association Gardez les caps, représentante unique, et à la ministre de la transition écologique et solidaire.