Résumé de la décision
La cour administrative d'appel de Bordeaux a examiné le cas de M. B...C...D'Costa, un ancien militaire de carrière souffrant d'un cancer du rein, dont la demande d'indemnisation, fondée sur la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative aux victimes des essais nucléaires français, avait été rejetée par le ministre de la défense. La Cour a annulé cette décision ainsi que le jugement du tribunal administratif qui avait également rejeté sa demande. Elle a ordonné au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) de réexaminer la demande d'indemnisation, concluant que la présomption de causalité entre son exposition aux rayonnements ionisants et son cancer n'avait pas été renversée par l'administration.
Arguments pertinents
1. Sur la présomption de causalité : La cour a rappelé que, selon la loi du 5 janvier 2010, lorsqu'un demandeur satisfait aux critères de temps, de lieu et de pathologie, il bénéficie d'une présomption de causalité. L'administration doit prouver que la pathologie résulte exclusivement d'une autre cause non liée aux risques d'exposition. La cour a affirmé : « Cette présomption ne peut être renversée que si l'administration établit que la pathologie de l'intéressé résulte exclusivement d'une cause étrangère à l'exposition aux rayonnements ionisants. »
2. Sur l'évaluation des preuves d'exposition : La Cour a précisé que l'absence de tirs pendant la période de séjour de M. D'Costa ne suffisait pas à établir son absence d'exposition, jugeant insuffisants les arguments fondés uniquement sur des facteurs temporels. La décision a souligné que l'administration ne peut se fonder uniquement sur les résultats de dosimètres, affirmant que : « La circonstance que les résultats du dosimètre individuel et de l'examen anthropogammamétrique n'ont rien révélé d'anormal n'est pas suffisante pour établir que M. B...C...D'Costa n'a subi aucune exposition. »
Interprétations et citations légales
Les textes de loi cités dans cette décision prennent une place essentielle dans l'interprétation des droits des victimes des essais nucléaires.
1. Loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, Article 1er : Cette loi établit le droit à réparation pour toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français. La cour a utilisé ce texte pour confirmer que M. D'Costa, en raison de son histoire médicale et de sa carrière, était éligible à la réparation intégrale de son préjudice tant que les conditions de la loi étaient remplies.
2. Décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 : Ce décret précise les critères de pathologie et de lieu relatifs à l'indemnisation. La cour a mentionné que l'administration avait l'obligation de prouver un manque d'exposition, en s'appuyant sur les listes annexées à ce décret, indiquant ainsi la stricte nécessité d'une évaluation rigoureuse des preuves.
3. Code de justice administrative – Article L. 761-1 : Cet article stipule que la partie perdante doit verser une somme au titre des frais de justice. La décision a donc statué que l'État devait verser 3 500 euros à M. D'Costa pour couvrir ses frais juridiques, ce qui témoigne de la reconnaissance des droits des justiciables face à une action administrative.
En synthèse, la décision réaffirme l'importance de la présomption de causalité dans l'indemnisation des victimes des essais nucléaires tout en soulignant le fardeau probatoire requis de la part de l'administration pour disqualifier cette présomption.