Par un jugement n° 1500474 du 10 décembre 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 20 avril 2015 et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 février 2016, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe en date du 10 décembre 2015 ;
2°) de rejeter les demandes de M.A....
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud,
- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant haïtien né le 15 août 1981, est entré clandestinement en France en 2006. Après avoir été interpellé par les services de police le 30 janvier 2012, il a fait l'objet le même jour d'une obligation de quitter le territoire français qui n'a pas été exécutée. M. A...a sollicité le 8 juin 2012 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et a bénéficié à ce titre d'autorisations provisoires de séjour valables du 16 juillet 2012 au 28 juillet 2014. Le 23 septembre 2014, M. A...a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Mais le médecin de l'agence régionale de santé ayant estimé que le traitement désormais requis par son état de santé existait dans son pays d'origine, le préfet de la Guadeloupe a, par un arrêté du 20 avril 2015, rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi. Alors que la demande de M. A... tendant à la suspension de l'arrêté a été rejetée par une ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de la Guadeloupe en date du 20 juillet 2015, le tribunal administratif de la Guadeloupe a, par un jugement du 10 décembre 2015, annulé l'arrêté du 20 avril 2015 au motif qu'il portait une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Le préfet de la Guadeloupe relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
3. M. A...se prévaut notamment de la durée de son séjour en France et de la présence de sa mère adoptive, qui l'héberge depuis neuf ans. Il ressort cependant des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition de M. A...du 30 janvier 2012 que s'il s'occupe du jardin et aide au quotidien sa mère adoptive, alors âgée de 77 ans, c'est pour ce motif qu'elle a souhaité l'adopter, ce qui a été fait par un jugement d'adoption simple du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre du 7 décembre 2012. Il ressort de ce même procès-verbal que le motif pour lequel M. A...souhaite rester en Guadeloupe est qu'il y est " bien depuis six ans ". Par ailleurs l'attestation de sa mère adoptive versée au dossier se borne à indiquer qu'elle héberge M. A...depuis 2005, alors que selon les propres déclarations de l'intéressé il est entré en France en 2006, et qu'elle l'a adopté. Il ressort également du procès-verbal d'audition susmentionné et il n'est pas contesté que M. A... est célibataire et sans enfants et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident son père, sa mère biologique, ses quatre frères et ses trois soeurs, et il n'est ni établi ni même allégué qu'il aurait rompu tout lien avec eux. Dans ces conditions, ni la durée de son séjour en France ni la présence de sa mère adoptive ne permettent de regarder le refus de titre de séjour litigieux comme portant une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé pour ces motifs l'arrêté du 20 avril 2015. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de la Guadeloupe à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
5. En premier lieu, en vertu des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour lorsque, notamment, un refus de délivrance d'un titre de séjour a été opposé à l'étranger. En l'espèce, l'arrêté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que l'intéressé est entré clandestinement en France en 2006 à l'âge de 25 ans, que selon l'avis du médecin de l'agence régionale de santé le traitement requis par son état de santé est disponible dans son pays d'origine et, en tout état de cause, le défaut de traitement ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il est célibataire et sans enfant et a conservé l'essentiel de ses attaches familiales dans son pays d'origine, de sorte qu'il ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour en application de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté énonce ainsi les considérations de droit et de fait fondant le refus de titre de séjour et vise les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'asile qui permettent d'assortir le refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 366 du code civil : " Le lien de parenté résultant de l'adoption s'étend aux enfants de l'adopté. ". M. A...soutient que le préfet de la Guadeloupe a méconnu ces dispositions du code civil en estimant qu'il ne peut justifier de liens personnels et familiaux sur le territoire, alors que sa mère adoptive y réside. Il ressort cependant de la motivation de l'arrêté que le préfet de la Guadeloupe fait mention de la mère adoptive du requérant en indiquant que " le consentement à adoption simple par une française (...) n'a aucune incidence sur sa nationalité ". Dès lors, si le préfet indique effectivement que " l'intéressé ne peut justifier des liens personnels et familiaux sur le territoire ", il précise immédiatement après que " l'essentiel de ses attaches [est] resté dans le pays d'origine ". Il ressort ainsi de cette motivation qu'en dépit d'une formulation ambigüe entachée d'une erreur de plume, qui, pour regrettable qu'elle soit, est, en elle-même, sans incidence sur la légalité de l'arrêté, le préfet de la Guadeloupe a bien pris en compte la présence en France de la mère adoptive de M.A.... En outre, la mention de l'absence de transfert de la nationalité ne méconnaît nullement les dispositions de l'article 366 du code civil. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...)2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (...) ".
8. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. En l'espèce, il n'est pas contesté que la demande de titre de séjour présentée par M. A...se fondait uniquement sur les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans l'arrêté litigieux, si le préfet de la Guadeloupe a examiné si l'intéressé pouvait prétendre à l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11, il n'a en revanche pas examiné les droits du requérant au regard de l'article L. 314-11 de ce code. Par suite, M. A...ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de cet article. En tout état de cause, M. A...ne pouvait prétendre à l'octroi d'une carte de résident sur le fondement de ces dispositions dans la mesure où, à la date de sa demande et à la date de l'arrêté litigieux, il séjournait irrégulièrement en France.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...)10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A...souffre de douleurs neuropathiques à la suite d'un accident sur la voie publique ayant entraîné un pyothorax opéré en avril 2012, soignées par un traitement à base de Lyrica. Selon l'avis du médecin de l'agence régionale de santé en date du 30 mars 2015, si l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, alors au demeurant que l'intéressé peut bénéficier du traitement approprié dans son pays d'origine. Si M. A...produit plusieurs rapports médicaux, le plus récent date du 23 juin 2014. Ainsi ces documents ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté en date du 20 avril 2015, lui a enjoint de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500474 du tribunal administratif de la Guadeloupe en date du 10 décembre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de la Guadeloupe est rejetée.
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No 16BX00617