Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés le 4 juillet 2014 et le 5 octobre 2015, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 mai 2014 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le centre hospitalier Léon-Jean Grégory a rejeté sa réclamation préalable ;
3°) de condamner le centre hospitalier à lui verser une somme de 30 000 euros représentant la rémunération à laquelle il avait droit comprenant les changements d'échelon et la part salariale des cotisations sociales et de retraite sur la période du 1er janvier 1985 au 30 novembre 2005 ;
4°) de condamner le centre hospitalier à lui verser une indemnité de 45 000 euros en réparation de la perte de chance d'obtenir la poursuite de son activité au-delà de l'âge légal de la retraite ;
5°) de condamner le centre hospitalier à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
6°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de 1993, par laquelle il a été reclassé " praticien des hôpitaux à temps partiel " et sa carrière reconstituée avec effet rétroactif au 1er janvier 1985, lui permet d'exiger la reconstitution de sa carrière à partir du 1er janvier 1985 incluant les changements d'échelon ainsi que la part salariale des cotisations sociales et de retraite ;
- la revalorisation de son traitement seule entre les années 1992 et 2008 a été évaluée par une étude comptable à 13 764 euros, sans prendre en compte les cotisations sociales dues ;
- la décision du 28 novembre 2005, annulée par la présente Cour, constitue une illégalité fautive ;
- la décision du 16 août 2010, mettant fin, à nouveau, à ses fonctions, entachée d'illégalité en raison d'un vice d'incompétence, d'un vice de procédure tenant à l'absence des consultations prévues à l'article 3 du décret du 1er mars 2005 ainsi que d'erreurs de droit tenant, d'une part, à sa rétroactivité et d'autre part, à ses motifs, constitue également une faute ;
- ces deux fautes lui ont causé un préjudice moral dès lors qu'il a été contraint à une inactivité non souhaitée ;
- au vu de son état de santé, il avait de grandes chances d'obtenir une décision favorable du préfet de région sur une prolongation de son activité ;
- l'évaluation du préjudice financier effectuée par le tribunal administratif de Montpellier est erronée ;
- le lien de causalité est clair entre les fautes commises et les préjudices dont il demande réparation ;
- le moyen tiré de l'exception de prescription quadriennale, qui n'a pas été soulevé en première instance, ne peut qu'être écarté au regard de l'article 7 alinéa 1er de la loi du 31 décembre 1968.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2015, le centre hospitalier de Thuir, représenté par Me Roux, conclut au rejet de la requête, par voie d'appel incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à M. C... une somme de 5 000 euros, et à ce que soit mise à la charge de l'appelant la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'appelant n'a aucun droit à reconstitution de carrière sur la période qu'il indique dès lors que la décision de 1993 établit une reconstitution de carrière à compter du 1er avril 1985 ;
- l'étude comptable et les bulletins de salaire versés au dossier sont insuffisants pour justifier l'indemnité réclamée d'un montant de 30 000 euros, dont 13 764 euros au titre de la revalorisation de traitement ;
- à titre subsidiaire, la reconstitution de carrière ne pourrait porter, le cas échéant, que sur la seule période postérieure au 30 novembre 2005 ;
- la Cour ne peut faire droit à la demande du requérant portant sur sa prétendue reconstitution de carrière, dès lors que celle-ci ne correspond pas strictement au montant du préjudice subi du fait de l'éviction illégale ;
- l'illégalité de la décision du 28 novembre 2005 a été établie par l'arrêt de la Cour du 30 mars 2010 ;
- la décision du 16 août 2010 n'est pas entachée d'incompétence dès lors que M. C... étant praticien attaché, le directeur du centre hospitalier était compétent pour accorder ou refuser sa prolongation d'activité ;
- elle n'est pas entachée non plus de vice de procédure au regard de la jurisprudence " Danthony " et alors qu'elle a été motivée par l'intérêt du service ;
- elle n'est pas davantage entachée d'erreurs de droit sur ses motifs ou en raison de sa rétroactivité ;
- le requérant n'établit pas l'existence d'un quelconque préjudice moral ;
- s'agissant du préjudice financier, la lettre du préfet en date du 16 février 2006 montre qu'il était opposé à la prolongation d'activité de M. C... ;
- le préjudice reposant sur une période de trente-six mois de prolongation d'activité est hypothétique, alors qu'aucun justificatif médical n'est versé au dossier ;
- il disposait de sa pension de retraite et tout versement d'une indemnité relative à un préjudice matériel doit être rejeté ;
- à supposer que la Cour fasse droit à la demande de reconstitution des droits de M. C..., la prescription quadriennale s'opposerait au versement des sommes réclamées pour la période antérieure au 12 mai 2000.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 85-384 du 29 mars 1985 portant statut des praticiens exerçant leur activité à temps partiel dans les établissements d'hospitalisation publics ;
- le décret n° 2005-207 du 1er mars 2005 relatif à la prolongation d'activité des personnels médicaux hospitaliers pris en application de l'article 135 de la loi du 9 août 2004 ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Busidan,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Roux, représentant le centre hospitalier Léon-Jean Grégory.
1. Considérant que, par une décision datée, sans autre précision, de 1993, M. C..., chirurgien-dentiste travaillant depuis 1973 au sein du centre hospitalier Léon-Jean Grégory à Thuir, a été reclassé en qualité de praticien des hôpitaux à temps partiel et sa carrière reconstituée jusqu'au 6ème échelon, accordé le 1er juillet 1992 ; que, par un arrêt n° 08MA02044 rendu le 30 mars 2010, devenu définitif, la présente Cour a annulé la décision du 28 novembre 2005 par laquelle le directeur-adjoint de ce centre hospitalier a, d'une part, rejeté la demande de l'intéressé, né le 22 novembre 1940, que son activité fût prolongée au-delà de la limite d'âge prévue par l'article 1er du décret susvisé du 1er mars 2005 et, d'autre part, mis fin à ses fonctions à compter du 30 novembre 2005 ; que cette annulation a été prononcée au motif que la décision en litige avait méconnu les droits de M. C... au bénéfice du statut de praticien hospitalier, acquis par l'effet de la décision de 1993 ; que, pour l'exécution de cet arrêt, le centre hospitalier a pris, le 16 août 2010, une nouvelle décision rejetant la demande de prolongation d'activité de M. C... et mettant fin à ses fonctions au 30 novembre 2005 ; qu'après réclamation préalable implicitement rejetée par le centre hospitalier, M. C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier la condamnation du centre hospitalier à lui verser, d'une part, une indemnité de 30 000 euros correspondant aux traitements et droits sociaux dont il aurait été illégalement privé du 1er janvier 1985 au 30 novembre 2005, d'autre part, une indemnité de 45 000 euros réparant la perte de chance d'obtenir une prolongation d'activité d'une durée de trois ans, et, enfin, une indemnité de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ; que, par jugement rendu le 28 mai 2014, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre hospitalier à verser à l'intéressé une somme totale de 5 000 euros en réparation des préjudices tirés de l'illégalité de la décision du 28 novembre 2005 et a rejeté le surplus des conclusions de M. C... ; que M. C... demande la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions ; que, par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier Léon-Jean Grégory en demande également la réformation en tant qu'il l'a condamné à verser à M. C... la somme de 5 000 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'octroi d'une somme de 30 000 euros représentative de traitements et cotisations sociales dont M. C... aurait été privé du 1er janvier 1985 au 30 novembre 2005 :
2. Considérant que la décision de 1993 précitée reconstitue rétroactivement la carrière de M. C... en qualité de praticien des hôpitaux à temps partiel, à compter du 1er janvier 1985 et en lui accordant le bénéfice du 6ème échelon dans cet emploi à compter du 1er juillet 1992 ; que les bulletins de salaires, versés en appel par M. C..., confirment qu'il a été payé en qualité de praticien hospitalier à temps partiel au 6ème échelon jusqu'en juin 1994, au 7ème échelon de juillet 1994 jusqu'en juin 1997, au 8ème échelon de juillet 1997 jusqu'en mai 2001, puis à nouveau au 7ème échelon, quoiqu'avec une augmentation de rémunération par rapport à mai 2001, de septembre 2001 jusqu'à sa sortie d'activité en novembre 2005 ;
3. Considérant qu'au regard des dispositions applicables de l'article 20 modifié du décret susvisé du 29 mars 1985 relatif à l'avancement des praticiens exerçant leur activité à temps partiel, il ne résulte pas de l'instruction que le déroulement de carrière de M. C... n'aurait pas correspondu au rythme de progression fixé par ce texte jusqu'au mois de mai 2001, ni que les émoluments versés jusqu'à cette date n'auraient pas correspondu au montant que M. C... aurait dû percevoir ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale que l'administration oppose pour la seule période antérieure au 12 mai 2000, les conclusions de M. C..., qui tendent au versement d'un différentiel entre les émoluments dus et ceux versés, doivent être rejetées en ce qui concerne la période antérieure au mois de juin 2001 ;
4. Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'examen des bulletins de salaire de M. C..., dont le centre hospitalier ne conteste pas utilement les éléments en se bornant à relever l'absence de quelques bulletins pour l'année 2001, 2002 et 2004, qu'après le mois de mai 2001, M. C... n'a plus bénéficié des échelons et des avancements d'échelon fixés par son statut ; qu'il est donc fondé à soutenir, qu'à compter de juin 2001, il n'a pas perçu les émoluments auxquels il pouvait légalement prétendre, et ce jusqu'à la date de sa mise à la retraite ;
5. Considérant que si M. C... fait valoir que, sur la période comprise entre le 1er janvier 1985 et le 30 novembre 2005, durant laquelle la décision de 1993 le reclassant comme praticien des hôpitaux à temps partiel aurait dû produire tous ses effets pécuniaires, la somme à lui verser devrait également comprendre " le montant correspondant à l'ensemble des cotisations non versées ", ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées dès lors que les cotisations sociales, assises sur les émoluments auxquels il pouvait légalement prétendre, ne constituent pas des sommes que M. C... aurait perçues mais des sommes versées aux organismes de retraite ;
6. Considérant que l'état du dossier ne permet pas de fixer le montant de la somme due à M. C..., qui consiste donc en la différence entre les émoluments versés et ceux auxquels il pouvait légalement prétendre entre le mois de juin 2001 et le mois de novembre 2005 ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'ordonner un supplément d'instruction tendant à la production par le centre hospitalier des éléments permettant à la juridiction de déterminer ce montant ; qu'à cette fin, le centre hospitalier Léon-Jean Grégory est invité à produire à la Cour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un tableau comprenant, sur toute la période précitée, les informations relatives à l'échelon détenu par M. C..., la date à laquelle aurait dû intervenir chaque avancement d'échelon au regard du décret n° 85-384 du 29 mars 1985, éventuellement modifié, les indices bruts et nets correspondant à chaque échelon à la date à laquelle ce dernier aurait dû être accordé à M. C..., la rémunération nette correspondant à chacun des échelons ainsi déterminés à la date à laquelle elle aurait dû être versée à M. C..., et la rémunération nette effectivement versée à M. C... ;
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Considérant, en premier lieu, que, par l'arrêt de la Cour cité au point 1, la décision du 28 novembre 2005 a été annulée ; que l'illégalité interne de cette décision, constaté par l'arrêt de la Cour, constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier Léon-Jean Grégory à l'égard de M. C... et ce dernier peut prétendre à la réparation des préjudices directs et certains en résultant ;
8. Considérant qu'aux termes des dispositions applicables de l'article 1er du décret sus-visé du 1er mars 2005 : " Peuvent être autorisés, dans la limite maximum de trente-six mois, à prolonger leur activité au-delà de la limite d'âge qui leur est applicable (...) les praticiens hospitaliers exerçant leur activité à temps partiel régis par le décret du 29 mars 1985 susvisé (...) " ; que l'article 3 applicable de ce même décret dispose : " La prolongation d'activité est accordée, au vu du certificat médical d'aptitude physique et mentale délivré par un médecin agréé et produit par l'intéressé, par périodes de six mois minimum et d'un an maximum par l'autorité investie du pouvoir de nomination après avis motivés de la commission médicale d'établissement et du conseil d'administration. " ; que le préjudice financier dont M. C... demande réparation résulte de la perte de chance sérieuse d'être autorisé à poursuivre son activité au-delà de la limite d'âge prévue par l'article 1er du décret précité ;
9. Considérant que, comme l'ont relevé les premiers juges, il résulte, d'une part, du courrier de l'agence régionale de la santé en date du 14 novembre 2005, d'autre part, des termes mêmes de la décision du 28 novembre 2005, qui révèlent que le centre hospitalier avait proposé à M. C... de poursuivre son activité dans le cadre du statut de " praticien attaché ", que M. C... avait effectivement une chance sérieuse de prolonger son activité au-delà de la limite d'âge visée au point précédent ; que, pour les 12 premiers mois de la période considérée, le centre hospitalier ne conteste pas utilement l'existence de cette chance sérieuse en faisant valoir que le requérant n'apporte aucun justificatif médical attestant que son état de santé permettait cette prolongation, alors que le fait que le centre hospitalier lui-même a proposé à M. C... de poursuivre son activité sous un autre statut exclut que l'intéressé n'aurait pas été physiquement apte à cette prolongation ; que M. C... est donc fondé soutenir que l'illégalité fautive de la décision du 28 novembre 2005 par laquelle le centre hospitalier a refusé de prolonger son activité au-delà de la limite d'âge est à l'origine directe et certaine de la privation d'une année d'émoluments à l'échelon qui aurait dû être le sien au 22 novembre 2005 ;
10. Considérant, en revanche, qu'en l'absence au dossier de toute pièce de nature à établir que l'état de santé de M. C... aurait permis une prolongation de son activité sur les deux dernières années autorisées, le préjudice invoqué par le requérant présente un caractère purement éventuel pour cette période ;
11. Considérant que M. C... est donc seulement fondé à soutenir qu'il a été privé d'une année d'émoluments à l'échelon qui aurait dû être le sien au 22 novembre 2005, montant duquel il conviendra de soustraire les sommes que les organismes de retraite lui ont versées au titre de sa retraite ; que, toutefois, l'évaluation de ce préjudice ne pourra être fixée qu'au vu des éléments d'information demandés par la mesure d'instruction détaillée au point 6 du présent arrêt ;
12. Considérant que le préjudice moral dont M. C... demande réparation consiste en l'inactivité non souhaitée qu'il a dû subir ; que ce préjudice est en lien direct avec l'illégalité de la décision du 28 novembre 2005 ; qu'il ne peut cependant, pour les raisons exposées ci-dessus, être regardé comme ayant été subi au-delà d'une année ; qu'il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 1 000 euros ;
13. Considérant, en second lieu, que les préjudices dont M. C... demande réparation, qui trouvent leur origine, comme il vient d'être dit, dans l'illégalité de la décision du 28 novembre 2005, ne peuvent avoir été aggravés par la décision du 16 août 2010, dès lors qu'à cette dernière date, M. C... devait, en tout état de cause, être à la retraite, ainsi que l'ont relevé les premiers juges ; que, par suite, la circonstance qu'elle serait illégale est sans incidence sur l'indemnisation des préjudices dont la réparation est demandée ;
D É C I D E :
Article 1er : Avant de statuer sur l'évaluation du préjudice financier de M. C..., il est procédé à un supplément d'instruction à fin de la production, par le centre hospitalier Léon-Jean Grégory, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, d'un tableau comprenant, pour la période allant du mois de juin 2001 au mois de novembre 2005, les informations relatives à l'échelon détenu par M. C..., la date à laquelle aurait dû intervenir chaque avancement d'échelon au regard du décret n° 85-384 du 29 mars 1985, éventuellement modifié, les indices bruts et nets correspondant à chaque échelon à la date à laquelle ce dernier aurait dû être accordé à M. C..., la rémunération nette correspondant à chacun des échelons ainsi déterminés à la date à laquelle elle aurait dû être versée à M. C... et la rémunération nette effectivement versée à M. C....
Article 2 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au centre hospitalier Léon-Jean Grégory de Thuir.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Busidan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 juillet 2016.
''
''
''
''
3
N° 14MA02072