Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 septembre 2017 la préfète de la Loire-Atlantique demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 août 2017 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M.A....
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est suffisamment motivé et ne révèle pas un défaut d'examen de la situation particulière de M.A... ;
- les dispositions du 1er alinéa de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'appliquaient à la situation de M.A... ; que dans le cas contraire, les dispositions du 2ème alinéa du même article peuvent lui être appliquées par substitution de base légale ;
- les autres moyens soulevés par M. A...en première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M.A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Berthon a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A...a été interpellé à Nantes le 18 juillet 2017 à 14h45 par la police nationale et a fait l'objet, sur le fondement de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une retenue administrative dans les locaux de la police jusqu'à 18h20, au motif que, n'étant pas en possession de son passeport, il n'était pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France ; que, le même jour, la préfète de la Loire-Atlantique, sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel M. A...pourra être reconduit d'office après l'expiration de ce délai ; que la préfète de la Loire-Atlantique relève appel du jugement du 22 août 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté pour défaut d'examen suffisant de la situation particulière de l'intéressé ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant que l'arrêté contesté mentionne les éléments relatifs à l'entrée et au séjour en France de M. A...dont disposait l'administration au vu des procès-verbaux dressés par la police pendant la période de retenue administrative subie par l'intéressé ; qu'il indique notamment que celui-ci a obtenu un visa de court séjour valable du 19 juin au 19 juillet 2015, qu'il est démuni de son passeport, est célibataire, sans enfant, et n'est pas sans attaches familiales au Sénégal, pays qu'il n'a quitté qu'à l'âge de 24 ans ; que, cette motivation précise et circonstanciée ne révèle pas, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, un défaut d'examen de la situation particulière de M.A... ; que c'est par suite à tort que le président du tribunal administratif a annulé pour ce motif l'arrêté contesté ;
3. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes ;
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire :
4. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...). 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est, contrairement à ce qu'a estimé l'administration, entré régulièrement en France le 3 juillet 2015 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa valable du 19 juin au 19 juillet 2015 ; qu'il est constant qu'il s'est maintenu irrégulièrement en France entre le 3 juillet 2015 et son interpellation ; que, par suite, la mesure d'éloignement décidée à son encontre ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait du être prononcée ;
7. Considérant qu'en l'espèce, la mesure d'éloignement contestée trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent, ainsi que le demande expressément en appel la préfète de la Loire-Atlantique, être substituées à celles du 1° dès lors, en premier lieu, que, s'étant maintenu sur le territoire français plus de trois mois après son entrée sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré, M. A... se trouvait dans la situation où, en application du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Loire-Atlantique pouvait décider qu'il serait éloigné du territoire, et en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre des deux dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en cause ;
8. Considérant que, ainsi qu'il a été rappelé au point 2, l'arrêté contesté comporte de façon précise l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est célibataire et sans enfant, n'a pas de famille en France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Sénégal, où vit notamment sa mère ; que, dès lors, la mesure d'éloignement contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être qu'être écarté ;
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. Considérant que la décision fixant le pays de destination également contestée vise l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que si M. A...invoque des risques en cas de retour au Sénégal, il n'apporte pas la preuve de la réalité de ces risques et que l'intéressé n'a, au surplus, engagé aucune démarche pour solliciter le statut de réfugié ; qu'elle mentionne ainsi les circonstances de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'elle ne serait pas suffisamment motivée doit être écarté ;
11. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants." ; que si M. A...soutient qu'en raison de son homosexualité il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine, il n'établit pas, par la production de quelques témoignages non circonstanciés et de documents généraux sur les discriminations dont souffrent les homosexuels au Sénégal, être personnellement exposé aux risques qu'il invoque ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas méconnu les stipulation précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la préfète de la Loire-Atlantique est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté contesté du 18 juillet 2017 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 22 août 2017 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...présentée devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié et à M. C... A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 avril 2018.
Le rapporteur,
E. BerthonLe président,
O. Coiffet
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02900